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En 1935, Marcel Griaule revient en pays dogon à la tête de la mission Sahara-Soudan et, dès son arrivée, Ambibé Babadyi cherche avec insistance à se faire embaucher. Pendant plus d’une semaine, il tente vainement de se concilier les faveurs du chef d’expédition en lui présentant en cadeau un poulet, mais Griaule – qui lui pardonne difficilement ses « mensonges » ou omissions antérieurs – l’éconduit et l’ignore ostensiblement en guise de punition avant de le reprendre à son service le huitième jour. Dans le récit qu’il publie dans un quotidien national, Griaule décrit lui-même les raisons de sa stratégie d’évitement :

En réalité, cette histoire de poulet est une subtile manoeuvre tentée par moi : Ambibé, à mon premier séjour, n’avait pas été tout à fait correct. Il nous avait caché des choses. Je lui en gardais rancune et je voulais lui donner une leçon en refusant son cadeau pendant huit jours. Pendant huit jours, Ambibé a tremblé de ne pas être repris à mon service comme principal informateur. C’était de l’or en barre – car je paie bien – qui passait devant le nez du vieil avare ^[17].

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Malgré un début d’entretien difficile, les explications mythologiques données par Ambibé Babadyi finissent par enthousiasmer Griaule et celui-ci rapporte longuement, dans le même journal, les révélations lumineuses de son informateur principal sur l’origine mythique du « grand masque » ^[18]. Dans une revue mensuelle grand public, il rend également hommage à ce « dépositaire de tous les mythes, de la langue secrète, de l’histoire de son pays » ^[19]. Fréquemment qualifié de menteur en 1931, Ambibé Babadyi apparaît donc en 1935 comme un partenaire fiable ^[20] qui confie à l’étranger de magnifiques mythes au terme d’échanges frénétiques : « Ambibé donne un très beau mythe de Nommo à M. Griaule. [...] [Les] enquêtes acharnées continuent. Match Ambibé-Griaule sans répit. […] Ambibé donne le mythe de la mère du Masque ^[21] ».

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À partir de la mission Sahara-Soudan, ce cordonnier dogon incarne ainsi la figure de l’informateur privilégié qui, en se rendant indispensable aux ethnologues et en s’adaptant à leurs demandes, devient progressivement leur unique interlocuteur dans tel ou tel domaine, pendant plusieurs années ^[22]. Lors de la mission Ganay-Dieterlen de 1937, il reste au centre des enquêtes sur la mythologie ou sur la société des masques et, en juillet, il transmet à Solange de Ganay un très long mythe sur l’origine de la mort et du sigui, reproduit par la suite dans la thèse de Griaule, Masques dogons ^[23].